Aujourd’hui,
J’ai 18 ans, je viens d’avoir mon baccalauréat avec une mention très bien. Je vais quitter le cocon familial dans le Sud pour aller rejoindre les milliers d’étudiants parisiens. Je me retrouve alors seule dans un studio de 18m2 au 6ème étage sans ascenseur dans la rive droite de Paris. La rentrée dans mon école de commerce se passe à merveille. Dès les premiers jours, on annonce la couleur, le rythme va être intense : cours en amphi, apéros et soirées étudiantes à gogo. Voici comment je passe mes années étudiantes dans une insouciance délibérée. Je rencontre une multitude de personnes. Un mois avec Pierre, 2 jours avec Matthieu, les rencontres s’enchaînent. Chacun m’apporte une expérience, m’initie à un nouveau centre d’intérêt. Je découvre avec eux les classiques du cinéma, les tableaux d’un vieux peintre espagnol, la danse du ventre et la cuisine polonaise. De chacun mon coeur a chaviré, j’ai ressenti les papillons au ventre, l’excitation des premiers jours, mais la passion s’est vite envolée laissant place à une envie de renouveau.
Aujourd’hui,
J’ai 25 ans, je viens de décrocher mon diplôme. Je commence mon premier poste dans un cabinet de conseil à La Défense. Je change d’appartement et me trouve une petite perle au centre de Paris. Grâce aux pauses et aux afterworks, je découvre mes collègues. Certains me paraissent sympathiques, d’autres vieux et grincheux. J’épie les profils des mecs de mon étage mais je ne peux me décider entre Le Brun ténébreux mais coureur de jupons ou le blond timide qui me propose souvent de me ramener un café. Ceci dit, j’appréhende une relation au travail, je ne veux pas me retrouver au centre des discussions de mes collègues. J’anticipe déjà la rupture douloureuse et gênante. Je vois souvent mes amis de l’école, on se croise toutes les semaines après le travail pour un petit verre où on débriefe de notre quotidien au travail et de l’état presque vide de nos relations amoureuses.
Aujourd’hui,
J’ai 27 ans, les années s’envolent les unes après les autres. Une grande routine s’installe dans ma vie mais aussi dans ma tête : je me lève seule, vais au travail, sors boire un verre qui se transforme souvent en grosse soirée en boite, rentre chez moi seule ou accompagnée, et le lendemain rebelote. Je passe mes temps libres à survoler les réseaux sociaux : les photos de Céline en vacances au Mexique, les photos de mariage de mon ex Arnaud et sa femme Sarah dans une robe trop blanche, trop large, trop simple …
Le dimanche, je rentre chez mes parents pour le repas de dimanche. On fait la prière avant de manger. Ma belle-soeur s’invite au déjeuner et se veut être ma copine en me demandant à chaque fois si j’ai un copain. Question à laquelle je lâche toujours la même réponse : « Non, mais un jour peut-être ».
Aujourd’hui,
J’ai 28 ans. Je fais beaucoup de sport, j’ai un nouveau groupe d’amis très cool. On s’écrit tous les jours et on s’envoie des photos et vidéos gag sur un groupe Whatsapp. Ils m’appellent la Chieuse, j’en rigole. J’ai un travail très prenant mais que j’aime beaucoup. Je passe mes journées à courir dans les couloirs pour rappeler mon stagiaire de bien imprimer la présentation qu’on va faire au client, pour recevoir un des prestataires pour un compte rendu de la mission, pour prospecter une grande entreprise pour le contrat du siècle. Les jours s’envolent, je ne m’arrête jamais. Le week-end, je fais du yoga le matin et je lis beaucoup de livres sur le développement personnel et la recherche du bonheur. Je suis les aventures sur Instagram d’une féministe américaine qui prêche le Girlpower et la « supériorité » de la femme. Je pense même à monter mon entreprise, j’ai beaucoup d’idées, pas assez de temps pour les réaliser mais je rêve d’un grand avenir. Je me sens sereine, célibataire certes, mais comblée.
Aujourd’hui,
J’ai 29 ans ! C’est mon anniversaire. Pour fêter ce jour mémorable, j’organise une soirée dans mon appartement parisien. Je m’achète une robe canon à 150€ chez Sézane et m’offre le dernier sac tendance de chez Chanel. Ma mère m’appelle pour me souhaiter un joyeux anniversaire, et me rappelle que les années s’envolent et que je dois retrouver ma voie, chose que je traduis par trouver ma moitié. J’hésite à lui dire que j’y travaille, que je prends plein de verres avec des mecs trouvés sur les applications de rencontre. Cependant, je n’ai de coup de coeur pour personne : il est soit trop matérialiste soit très maladroit soit avec un physique très moyen qui ne m’attire pas. Oui, je rêverais de trouver un garçon charmant qui me tient par la main pour une ballade sur les champs, qui m’offre un joli cadeau élégant pour Noël, qui vient déjeuner avec mes parents le dimanche. Malheureusement, je ne trouve pas assez d’occasions hors du monde virtuel des applications pour le trouver. Et cette infinité de possibilités m’angoisse au lieu de me réconforter. Je suis toujours à l’affût du prince charmant dont l’image contraste tout le temps avec celui que je rencontre. Mon cercle de vieux amis est déjà saturé entre les déjà mariés, les fiancés et ceux qui s’apprêtent à faire leur demande de mariage. Je dois avouer que ce sujet me stresse beaucoup, mon entourage me le rappelle : célibataire à 29 ans ! Quand est-ce que je vais tomber sur la perle rare ? Quand est-ce qu’on va emménager ensemble ? Quand est-ce qu’il va me faire sa proposition ? C’est un chemin encore très long où jje n’ai pas encore entamé le début. Je parle souvent de pression sociale à mes potes. Je critique souvent le mariage, le divorce, le fait de nous infliger cette contrainte qu’est cette union. Je cherche l’approbation de mon entourage sur le fait qu’être une trentenaire célibataire est limite une bénédiction, que le mariage tuerait mes rêves, m’emprisonnerait dans un rôle d’épouse et de mère uniquement. Néanmoins, le soir, quand je me retrouve seule, je balaye les photos de mariage de mes copines, je les envie un peu de s’être laissées aller aux exigences de la mentalité sexiste. Voilà, je me retrouve alors à dénigrer les couples et les enfants en public alors qu’au fond, j’aimerais bien aussi rentrer dans les rangs. J’aimerais trouver rien qu’une personne qui me comprend, m’accompagne, avec qui dîner le soir devant la télé, et dans les bras de qui me plonger avant de dormir. J’aimerais combler cette vie solitaire et terne.
PS: C’est une histoire fictive inspirée du quotidien de mon entourage et de débats que j’ai pus avoir avec des amis. Le célibat fait peur aujourd’hui à ma génération. Et je trouve que les applications de rencontre ont à moitié résolu le problème des cercles fermés, visités et revisités de notre entourage. Car la promesse de rencontres faciles cache aussi un espoir de toujours pouvoir trouver mieux, alors on ne tarde pas à réellement découvrir la personne mais on zappe souvent à la prochaine qui semble mieux correspondre à ses critères.
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